«La bêtise clanique poussée a l’extrême» par Laurent Graenicher

Chronique envoyée par Laurent Graenicher

Genève, le 08 mai 2017

Dans l'arène politique du Conseil municipal, tout semble normal.

Depuis deux ans que le Conseil administratif siège majoritairement à gauche et que le Conseil municipal porte à droite, c'est le blocage.

Durant les trois soirées consacrées au vote du budget 2017 de la Ville, on a assisté, depuis les tribunes, à une guerre de tranchées, gelée. La droite exerce son bon droit majoritaire à couper, la gauche s'articule autour du budget équilibré livré par le Conseil administratif.

Et donc, dans l'arène politique, tout semble normal.

Chez lui, face à son écran, un spectateur seul de ce genre de débat peut se lasser assez vite. Bien sOr, parfois, on sourit, on s'offusque, on s'agace devant ces élus qui gesticulent comme dans un mauvais sitcom.

Mais quand on est dans les tribunes ouvertes au public, le ressenti est tout autre, pour le spectateur comme pour l'acteur. Assis là, avec des yeux et des oreilles de citoyen, on plonge dans un gouffre d'effroi... Car le spectacle ne fonctionne plus avec la même distance.

Il y a la complexité des règles du jeu administratif, qui va demander beaucoup de temps de compréhension. Mais il y a surtout la proximité avec les tensions physiques et psychologiques qui s'exercent d'un bout à l'autre du parlement.

Dans cette situation, l'antijeu est perçu comme imbécile et l'arrogance comme inconsciente.

Finalement, «ils décident de tous les aspects de notre cadre de vie. Et c'est difficilement supportable quand ils le font bêtement, si proches de nous. 

Mais aussi, il semble que la présence d'un public d'électeurs dans les tribunes trouble les acteurs des deux bords. Ils savent bien que, vu de la tribune, le ressenti est tout autre. Et, suivant la posture qu'«ils» tiennent, le ridicule guette.

Des attaques répétées contre les services aux publics, des attaques répétées contre les financements publics de la culture dans un canton de Genève en ébullition, des attaques répétées contre la liberté d'expression et la légitimité des artistes à porter un regard critique quand ils sont subventionnés, des attaques répétées contre des journalistes et leur objectivité... voilà une drôle de période où la culture qui est attaquée est avant tout la culture démocratique.

La Culture Lutte se bat contre les coupes budgétaires, tente de coordonner tes acteurs culturels et, entre autres choses, de recenser les dysfonctionnements du désenchevêtrement de l'Etat et de la Ville dans le domaine culturel. Mais un temps est passé. Il n'y a plus d'écoute politique bienveillante et de modération. L'époque est à l'arrogance et à la pression financière perpétuelle. Et c'est clair, pour des gens qui méprisent la démocratie critique et la création, nous ne serons jamais assez couchés, assez passifs. Alors, défendrons-nous nos activités en ordre dispersé ou de façon coordonnée? Quels rapports de forces allons-nous fabriquer pour négocier la réelle mise en oeuvre d'une politique culturelle cantonale, intercommunale, tournée vers l'avenir, vecteur d'un écosystème de développement économique, intellectuel et social enthousiasmant?

Pour que «la guerre froide municipale» cesse en 2020, chacun devra s'engager, à son niveau, par des tas de moyens différents.

Cela passe sans doute par une présence régulière dans les tribunes publiques. Pour acquérir l'usage de nos droits et pour que nos élus travaillent sous notre regard, directement.

Pour partager des réflexions sur l'usage de la démocratie (on a eu de belles réflexions en marge des débats 😉 et apprendre. Quand on travaille dans un secteur soutenu par des fonds publics, on ne peut pas se désintéresser de «la chose publique». Elle, elle finit toujours par s'intéresser à nous...

Et qui sait. peut-on tenter de ramener, modestement, petit à petit, l'esprit des Lumières là où Demain est écrasé par les mauvais marchants.

Laurent Graenicher